Hier, j’ai eu peur.
J’ai appelé ma mère, je l’ai eu tout de suite. Elle devait
sortir vers République mais, ce soir-là, elle était trop fatiguée.
Rassurée, j’ai appelé mon père, il n’a pas répondu.
Normal il était 23h.
Alors j’ai pris contact avec certains de mes amis, ceux qui traînaient
vers République ou Oberkampf. Des gens que je ne voyais plus, dont je prenais
rarement des nouvelles. Tout le monde allait bien. Certains de leurs amis ou
famille étaient au concert et ne donnaient pas de nouvelles. Ils étaient
inquiets.
J’ai rappelé mon père, il n’était pas si tard finalement
23h. Il n’a pas répondu. Alors j’ai commencé à paniquer, à vraiment paniquer. J’ai
appelé ma belle-mère, il était 23h30, elle a répondu.
Tout allait bien. Ils étaient en province.
J’ai eu de la chance.
Mes proches n’ont pas été blessées mais ces connards ont
gagné. Ils ont fait naître de la colère en moi, de la haine, de la terreur.
Mes proches sont des gens doux, je les ai choisis dans le
monde car ils avaient le pouvoir de l’adoucir. Je refuse que la terreur les
touche, que la mort les prenne. Encore moins sous la forme d’un débile profond,
de sa kalachnikov, de ses bombes, et de ses théories politiques et religieuses
qui ne dispensent que la mort.
Profondément, je n’ai pas envie de parler de dieu, de
politique, je n’ai pas envie. Je vomis les politiciens qui font leur travail
aujourd’hui.
Je pense à mes amis qui n’ont pas eu la même chance que moi,
et qui eux ont perdus des proches innocents. Je n’ai pas les bons mots pour
eux. Je ne crois pas en dieu alors « pray for paris », ça ne veut pas
dire grand-chose pour moi. J’ai longtemps haïs les mots « toutes mes
condoléances, « je suis désolée » et je sais qu’ils vont détester les
entendre aujourd’hui aussi. Toutes mes condoléances ça ne veut rien dire, et « je
suis désolée » ce n’est pas de ma faute. Pourtant, je n’ai pas d’autres
mots, je pense à vous : Toutes mes condoléances aux familles des victimes.
Je voulais dire que je vous aimais et je m’excuse de ne pas
donner de nouvelles plus souvent.
Ce matin, j’ai envie de parler d’amour, de paix, de douceur,
de faire des blagues, de boire du thé au jasmin comme d’habitude. J’ai envie de
gagner sur la peur, mais elle est là, profonde comme une blessure nouvelle, alors
ce matin, je n’y arrive pas.